Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/23

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mais je vous l’écris comme elle s’est faite, au jour le jour, sans art, sans préparation aucune, sans une mauvaise passion, sans un seul instant d’ambition ou d’envie. Un enfant bien né, et naturellement bien élevé, qui serait enfermé dans quelque beau jardin des bailleurs de Florence, au milieu des fleurs, et tenant sous ses yeux tous les chefs-d’œuvre amoncelés, n’aurait pas de plus honnêtes émotions et de plus saints ravissements que le jeune homme dont je vous parle. Seulement il faisait naître les fleurs sur son passage, c’est-à-dire qu’il en voyait partout ; et, quant aux chefs-d’œuvre, il avait la vue perçante, il en savait découvrir sur la terre et dans le ciel. Il devinait leur profil imposant dans les nuages, il s’asseyait à leur ombre ; il savait si bien les décrire qu’il vous les montrait lui-même souvent plus beaux que vous ne les eussiez vus de vos yeux. Tel il était ; et si bien que pas un de ceux qui l’ont connu ne se refuserait à ajouter quelque parole amie à cet éloge. »


Cet éloge, qui traversa l’Europe et ma chère Allemagne, — jusqu’en cette froide Silésie, où reposent les cendres de ma mère, jusqu’à cette Bérésina glacée où mon père lutta contre la mort, voyant périr autour de lui les braves soldats ses compagnons, — m’avait rempli tour à tour de joie et de mélancolie. Quand j’ai traversé de nouveau les