la frontière française. Ce village est habité par les descendants des familles protestantes exilées par Louis XIV. Dornshausen leur fut donné à cette époque, m’a-t-on dit, par le prince électeur de Nassau, et ils sont restés, eux et leur lignée, dans cet asile austère et calme comme leur résignation et leur piété.
Cette population est toute française encore, car les habitants ne sont jamais mariés qu’entre eux, et le beau langage du dix-septième siècle s’est transmis à ceux d’aujourd’hui dans toute sa pureté. Vous peindrez-vous toute notre surprise en entendant de petits enfants, jouant sur la place de l’église, qui parlaient la langue de Saint-Simon et se servaient sans le savoir des tours surannés du grand siècle ? Nous en fûmes tellement ravis que, voulant mieux les entendre parler, nous arrêtâmes une marchande de gâteaux pour leur distribuer toute sa provision. Après le partage, ils se mirent à jouer bruyamment sur la place, et la marchande nous dit : « Vous leur avez fait tant de joye que les voilà qui courent présentement comme des harlequins. » Il faut remarquer que le nom d’Arlequin s’écrivait ainsi du temps de Louis XIV, avec un h aspiré, comme on peut le voir notamment dans la comédie des Comédiens de Scudéri.
N’est-ce pas là une merveilleuse rencontre, et qui valait tout le voyage ? Je dois ajouter malheureuse-