Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/74

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tale du duché, ne le cède guère à Carlsruhe sous ce rapport. Il suffit d’une douzaine de factionnaires postés aux carrefours à angles droits pour tenir en respect toute la cité. C’est pourtant à Manheim que fut commis l’assassinat de Kotzebue par Carl Sand ; mais aussi faut-il dire qu’à peine sorti de la maison de sa victime, Sand se trouva saisi par les pacifiques soldats du grand-duc.

Cette lugubre tragédie nous préoccupait avant tout dans le court séjour que nous fîmes à Manheim ; aussi nous fûmes heureux d’apprendre que le célèbre acteur tragique Jerrmann se trouvait alors dans la ville. Nous l’allâmes demander au théâtre, sûrs qu’il serait charmé de nous servir de cicérone et d’obliger à la fois un poëte dramatique et un feuilletoniste français, lui qui, quoique Allemand, a joué les tragédies de Corneille à la Comédie-Française. M. Jerrmann était à la répétition. Dès que nous apprîmes que c’était le Roi Lear qu’on répétait, nous demandâmes à être introduits, ce qu’on nous accorda facilement, toujours en raison de nos qualités.

L’intérieur des théâtres allemands est complètement semblable à celui des nôtres ; nos habitudes de coulisses nous servirent donc merveilleusement à gagner sans bruit une place au parterre, et là nous entendîmes deux beaux actes, joués en redingotes et paletots, mais avec cette intelligence et cette har-