Page:Nerval - Lorely, 1852.djvu/78

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leur. Le tout a un aspect de tombeau païen, qui convient assez aux mânes philosophiques du voltairien Kotzebue. On ne peut douter qu’il n’y ait eu dans l’action de Carl Sand beaucoup de fanatisme religieux.

Nous remontâmes en voiture à la porte du cimetière pour nous diriger vers Heidelberg où nous devions coucher. La soirée était charmante après une belle journée d’automne ; la foule bigarrée rentrait déjà dans la ville, abandonnant les jolies maisons de campagne, les jardins publics, les cafés et les brasseries ; la plupart nous saluaient sans nous connaître, comme c’est l’usage dans le pays de Bade, et ce tableau du retour en ville d’une population calme et bienveillante, qui avait assurément bien employé sa journée, nous faisait penser à Auguste Lafontaine et à Gessner. Pourtant mon compagnon ne pouvait s’arracher au souvenir sanglant de Carl Sand. Il venait de voir le cimetière, il voulait encore voir le lieu de l’exécution, tant c’est un fidèle voyageur et un fidèle historien. On nous avait bien dit que nous rencontrerions, au sortir de Manheim, une grande prairie verte, à gauche, et que c’était là ; mais rien n’indiquait le lieu particulier du sacrifice. Nous n’osions trop arrêter les paysans pour nous le montrer, de peur d’inquiéter la police du pays ; mais on nous apprit depuis qu’il était aussi simple de parler de cela, dans le duché, que de la pluie et du beau