Page:Nerval - Voyage en Orient, I, Lévy, 1884.djvu/366

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
354
VOYAGE EN ORIENT.

Hakem cependant ne fit tomber aucune tête. Une pensée plus grave l’occupait tout entier ; négligeant ces petits détails de police, il se dirigea vers l’appartement de sa sœur, la princesse Sétalmule, action contraire à toutes les idées musulmanes, et, soulevant la portière, il pénétra dans la première salle, au grand effroi des eunuques et des femmes de la princesse, qui se voilèrent précipitamment le visage.

Sétalmule (ce nom veut dire la dame du royaume, sitt’ al mulk) était assise au fond d’une pièce retirée, sur une pile de carreaux qui garnissaient une alcôve pratiquée dans l’épaisseur de la muraille ; l’intérieur de cette salle éblouissait par sa magnificence. La voûte, travaillée en petits dômes, offrait l’apparence d’un gâteau de miel ou d’une grotte à stalactites par la complication ingénieuse et savante de ses ornements, où le rouge, le vert, l’azur et l’or mêlaient leurs teintes éclatantes. Des mosaïques de verre revêtaient les murs à hauteur d’homme de leurs plaques splendides ; des arcades évidées en cœur retombaient avec grâce sur les chapiteaux évasés en forme de turban que supportaient des colonnettes de marbre. Le long des corniches, sur les jambages des portes, sur les cadres des fenêtres couraient des inscriptions, en écriture karmatique dont les caractères élégants se mêlaient à des fleurs, à des feuillages et à des enroulements d’arabesques. Au milieu de la salle, une fontaine d’albâtre recevait dans sa vasque sculptée un jet d’eau dont la fusée de cristal montait jusqu’à la voûte et retombait en pluie fine avec un grésillement argentin.

À la rumeur causée par l’entrée de Hakem, Sétalmule, inquiète, se leva et fit quelques pas vers la porte. Sa taille majestueuse parut ainsi avec tous ses avantages, car la sœur du calife était la plus belle princesse du monde : des sourcils d’un noir velouté surmontaient, de leurs arcs d’une régularité parfaite, des yeux qui faisaient baisser le regard comme si l’on eût contemplé le soleil ; son nez fin et d’une courbe légèrement aquiline indiquait la royauté de sa race, et, dans sa pâleur dorée, relevée aux joues de deux petits nuages de fard, sa