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VOYAGE EN ORIENT.

Le drogman lui-même n’était pas monté avec moi lorsque Abd-el-Kérim m’avait fait voir ses femmes ; il était donc clair que je me ferais mépriser en agissant autrement que les gens du pays.

Quand le diner fut prêt, Mustapha cria du dehors :

Sidi !

Je sortis de la chambre ; il me montra la casserole de terre contenant une poule découpée dans du riz.

Bono ! bono ! lui dis-je.

Et je rentrai pour engager l’esclave à remettre son masque, ce qu’elle fit.

Mustapha plaça la table, posa dessus une nappe de drap vert ; puis, ayant arrangé sur un plat sa pyramide de pilau, il apporta encore plusieurs verdures sur de petites assiettes, et notamment des koulkas découpés dans du vinaigre, ainsi que des tranches de gros oignons nageant dans une sauce à la moutarde : cet ambigu n’avait pas mauvaise mine. Ensuite il se retira discrètement.


IV — PREMIÈRES LEÇONS D’ARABE


Je fis signe à l’esclave de prendre une chaise (j’avais eu la faiblesse d’acheter des chaises) ; elle secoua la tête, et je compris que mon idée était ridicule à cause du peu de hauteur de la table. Je mis donc des coussins à terre, et je pris place en l’invitant à s’asseoir de l’autre côté ; mais rien ne put la décider. Elle détournait la tête et mettait la main sur sa bouche.

— Mon enfant, lui dis-je, est-ce que vous voulez vous laisser mourir de faim ?

Je sentais qu’il valait mieux parler, même avec la certitude de ne pas être compris, que de se livrer à une pantomime ridicule. Elle répondit quelques mots qui signifiaient probablement qu’elle ne comprenait pas, et auxquels je répliquai : Tayeb, C’était toujours un commencement de dialogue.

Lord Byron disait par expérience que le meilleur moyen