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VOYAGE EN ORIENT.

Au bout de deux cents pas que l’on fait encore en montant, on trouve une sorte de carrefour dont le centre est un vaste puits profond et sombre, autour duquel il faut tourner pour gagner l’escalier qui conduit à la chambre du Roi.

En arrivant là, les Arabes tirent des coups de pistolet et allument des feux de branchages pour effrayer, à ce qu’ils disent, les chauves-souris et les serpents. — Les serpents se garderaient bien d’habiter des demeures si reculées. Quant aux chauves-souris, elles existent, et se font reconnaître en poussant des cris et en voltigeant autour des feux. La salle où l’on est, voûtée en dos d’âne, a dix-sept pieds de longueur et seize de largeur. Il est difficile de comprendre que ce peu d’espace, destiné, soit à des tombeaux, soit à quelque chapelle ou temple, se trouve être la principale retraite ménagée dans l’immense ruine de pierre qui l’entoure.

Deux ou trois autres chambres pareilles ont été découvertes depuis. Leurs murs de granit sont noircis par la fumée des torches. On ne voit dans tout cela aucune trace de tombeaux, — sauf une cuve de porphyre de huit pieds de longueur qui pourrait bien avoir servi à enfermer les restes d’un pharaon. Cependant, la tradition des fouilles les plus anciennes ne signale, dans les pyramides, que la découverte des ossements d’un bœuf.

Ce qui étonne le voyageur, au milieu de ces demeures funèbres, c’est que l’on n’y respire qu’un air chaud et imprégné d’odeurs bitumineuses. Du reste, on ne voit rien que des galeries et des murs ; — pas d’hiéroglyphes ni de sculptures ; — des parois enfumées, des voûtes et des décombres.

Nous étions revenus à l’entrée, fort désenchantés de ce voyage pénible, et nous nous demandions ce que pouvait représenter cet immense bâtiment.

— Il est évident, me dit l’officier prussien, que ce ne sont point là des tombeaux. Où était la nécessité de bâtir d’aussi énormes constructions pour préserver peut-être un cercueil de roi. Il est évident qu’une telle masse de pierres, apportées de