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LES FEMMES DU CAIRE.

maux qui se rencontrent dans la plaine en grand nombre. Il y en a pour les chats, pour les crocodiles et pour les ibis. On y pénètre fort difficilement, en respirant la cendre et la poussière, ou se traînant parfois dans des conduits où l’on ne peut passer qu’à genoux. Puis on se trouve au milieu de vastes souterrains où sont entassés par millions et symétriquement rangés tous ces animaux que les bons Égyptiens se donnaient la peine d’embaumer et d’ensevelir ainsi que des hommes. Chaque momie de chat est entortillée de plusieurs aunes de bandelettes, sur lesquelles, d’un bout à l’autre, sont inscrites, en hiéroglyphes, probablement la vie et les vertus de l’animal[1]. Il en est de même des crocodiles… Quant aux ibis, leurs restes sont enfermés dans des vases en terre de Thèbes, rangés également sur une étendue incalculable, comme des pots de confitures dans une office de campagne.

Je pus remplir facilement la commission que m’avait donnée le consul ; puis je me séparai de l’officier prussien, qui continuait sa route vers la haute Égypte, et je revins au Caire, en descendant le Nil dans une cange.

Je me hâtai d’aller porter au consulat l’ibis obtenu au prix de tant de fatigues ; mais on m’apprit que, pendant les trois jours consacrés à mon exploration, notre pauvre consul avait senti s’aggraver son mal et s’était embarqué pour Alexandrie.

J’ai appris depuis qu’il était mort en Espagne.

  1. Lorsque l’armée d’Égypte visita les sépulcres de Saccurali, elle s’étonna surtout de la quantité de chats que plusieurs d’entre eux contenaient. Quelques soldats eurent l’idée de mettre le feu dans un de ces souterrains pour en connaître la profondeur. Les momies des chats, imprégnées de bitume, brûlèrent pendant huit jours, puis le feu s’étouffa de lui-même. Lorsque l’on crut la fumée dissipée, on redescendit dans le souterrain. Au delà de l’espace immense que le feu avait découvert, au delà des matières charbonnées qu’il fallait extraire, on trouva encore de nouvelles rangées de chats, qui semblaient défier la destruction d’arriver au bout de son œuvre.