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LES FEMMES DU CAIRE.

avaient voulu. Du reste, je ne suis jamais pressé d’arriver, et cette circonstance, qui aurait fait bondir d’indignation un voyageur anglais, me fournissait seulement l’occasion de mieux étudier l’antique branche, si peu frayée, par où le Nil descend du Caire à Damiette.

Le reïs, qui s’attendait à des réclamations violentes, admira ma sérénité. Le halage des barques est relativement assez coûteux ; car, outre un nombre plus grand de matelots sur la barque, il exige l’assistance de quelques hommes de relais échelonnés de village en village.

Une cange contient deux chambres, élégamment peintes et dorées à l’intérieur, avec des fenêtres grillées donnant sur le fleuve, et encadrant agréablement le double paysage des rives ; des corbeilles de fleurs, des arabesques compliquées décorent les panneaux ; deux coffres de bois bordent chaque chambre, et permettent, le jour, de s’asseoir les jambes croisées, la nuit, de s’étendre sur des nattes ou sur des coussins. Ordinairement, la première chambre sert de divan, la seconde de harem. Le tout se ferme et se cadenasse hermétiquement, sauf le privilège des rats du Nil, dont il faut, quoi qu’on fasse, accepter la société. Les moustiques et autres insectes sont des compagnons moins agréables encore ; mais on évite la nuit leurs baisers perfides au moyen de vastes chemises dont on noue l’ouverture après y être entré comme dans un sac, et qui entourent la tête d’un double voile de gaze sous lequel on respire parfaitement.

Il semblait que nous dussions passer la nuit sur la barque, et je m’y préparais déjà, lorsque le reïs, qui était désormais à terre, vînt me trouver avec cérémonie et m’invita à l’accompagner. J’avais quelque scrupule à laisser l’esclave dans la cabine ; mais il me dit lui-même qu’il valait mieux l’emmener avec nous.


III — LE MUTAHIR


En descendant sur la berge, je m’aperçus que nous venions de débarquer simplement à Choubrah. Les jardins du pacha,