Page:Nerval - Voyage en Orient, I, Lévy, 1884.djvu/216

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
204
VOYAGE EN ORIENT.

fête. Ce n’est qu’après avoir passé par deux ou trois séries d’invités inférieurs que les os parvenaient à un dernier cercle composé de chiens errants attirés par l’odeur des viandes. Rien ne se perd dans ces festins de patriarche, où, si pauvre que soit l’amphitryon, toute créature vivante peut réclamer sa part de fête. Il est vrai que les gens aisés ont l’usage de payer leur écot par de petits présents, ce qui adoucit un peu la charge que s’imposent, dans ces occasions, les familles du peuple.

Cependant arrivait, pour le mutahir, l’instant douloureux qui devait clore la fête. On fit lever de nouveau les enfants, et ils entrèrent seuls dans la salle où se tenaient les femmes. On chantait : « Ô toi, sa tante paternelle ! ô toi, sa tante maternelle ! viens préparer son sirafeh ! » À partir de ce moment, les détails m’ont été donnés par l’esclave présente à la cérémonie du sirafeh.

Les femmes remirent aux enfants un châle dont quatre d’entre eux tinrent les coins. La tablette à écrire fut placée au milieu, et le principal élève de l’école (arif) se mit à psalmodier un chant dont chaque verset était ensuite répété en chœur par les enfants et par les femmes. On priait le Dieu qui sait tout, « qui connaît le pas de la fourmi noire et son travail dans les ténèbres, » d’accorder sa bénédiction à cet enfant, qui déjà savait lire et pouvait comprendre le Coran. On remerciait en son nom le père, qui avait payé les leçons du maître, et la mère, qui, dès le berceau, lui avait enseigné la parole.

« Dieu m’accorde, disait l’enfant à sa mère, de te voir assise au paradis et saluée par Moryam (Marie), par Zeynab, fille d’Ali, et par Fatime, fille du prophète ! »

Le reste des versets était à la louange des faquirs et du maître d’école, comme ayant expliqué et fait apprendre à l’enfant les divers chapitres du Coran.

D’autres chants moins graves succédaient à ces litanies.

« Ô vous, jeunes filles qui nous entourez, disait l’arif, je vous recommande aux soins de Dieu lorsque vous peignez vos yeux et que vous vous regardez au miroir !