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DRUSES ET MARONITES.

— Elle s’appelle Salèma ; l’autre nom lui est commun avec toutes les autres femmes qui appartiennent à l’ordre religieux. La pauvre enfant, ajouta madame Carlès, j’ai fait ce que j’ai pu pour l’amener à devenir chrétienne, mais elle dit que sa religion, c’est la même chose ; elle croit tout ce que nous croyons, et elle vient à l’église comme les autres… Eh bien, que voulez-vous que je vous dise ? ces gens-là sont de même avec les Turcs ; votre esclave, qui est musulmane, me dit qu’elle respecte aussi leurs croyances, de sorte que je finis par ne plus lui en parler. Et pourtant quand on croit à tout, on ne croit à rien ! Voilà ce que je dis.


IV — LE CHEIK DRUSE


Je me hâtai, en quittant la maison, d’aller au palais du pacha, pressé que j’étais de me rendre utile à la jeune akkalé siti. Je trouvai mon ami l’Arménien à sa place ordinaire, dans la salle d’attente, et je lui demandai ce qu’il savait sur la détention d’un chef druse emprisonné pour n’avoir pas payé l’impôt.

— Oh ! s’il n’y avait que cela, me dit-il, je doute que l’affaire fût grave, car aucun des cheiks druses n’a payé le miri depuis trois ans. Il faut qu’il s’y joigne quelque méfait particulier.

Il alla prendre quelques informations près des autres employés, et revint bientôt m’apprendre qu’on accusait le cheik Seïd-Eschérazy d’avoir fait parmi les siens des prédications séditieuses. C’est un homme dangereux dans les temps de troubles, ajouta l’Arménien. Du reste, le pacha de Beyrouth ne peut pas le mettre en liberté ; cela dépend du pacha d’Acre.

— Du pacha d’Acre ! m’écriai-je, mais c’est le même pour lequel j’ai une lettre, et que j’ai connu personnellement à Paris !

Et je montrai une telle joie de cette circonstance, que l’Arménien me crut fou. Il était loin, certes, d’en soupçonner le motif.