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VOYAGE EN ORIENT.

dans son triomphe. On sait que ce vœu a été déçu. Cependant le cheval futur du Mahdi, qui porte sur le dos une selle naturelle formée par des replis de la peau, existe encore et a été racheté par un des cheiks druses.

Avons-nous le droit de voir dans tout cela des folies ? Au fond, il n’y a pas une religion moderne qui ne présente des conceptions semblables. Disons plus, la croyance des Druses n’est qu’un syncrétisme de toutes les religions et de toutes les philosophies antérieures.

Les Druses ne reconnaissent qu’un seul dieu, qui est Hakem ; seulement, ce dieu, comme le Bouddha des Indous, s’est manifesté au monde sous plusieurs formes différentes. Il s’est incarné dix fois en différents lieux de la terre ; dans l’Inde d’abord, en Perse plus tard, dans l’Yémen, à Tunis et ailleurs encore. C’est ce qu’on appelle les stations.

Hakem se nomme au ciel Albar.

Après lui viennent cinq ministres, émanations directes de la Divinité, dont les noms d’anges sont Gabriel, Michel, Israfil, Azariel et Métatron ; on les appelle symboliquement l’Intelligence, l’Âme, la Parole, le Précédant et le Suivant. Trois autres ministres d’un degré inférieur s’appellent, au figuré, l’Application, l’Ouverture et le Fantôme ; ils ont, en outre, des noms d’homme qui s’appliquent à leurs incarnations diverses, car eux aussi interviennent de temps du temps dans le grand drame de la vie humaine.

Ainsi, dans le catéchisme druse, le principal ministre, nommé Hamza, qui est le même que Gabriel, est regardé comme ayant paru sept fois ; il se nommait Schatnil à l’époque d’Adam, plus tard Pythagore, David, Schoaïb ; du temps de Jésus, il était le vrai Messie et se nommait Éléazar ; du temps de Mahomet, on l’appelait Salman-el-Farési, et enfin, sous le nom d’Hamza, il fut le prophète de Hakem, calife et dieu, et fondateur réel de la religion druse.

Voilà, certes, une croyance où le ciel se préoccupe constamment de l’humanité. Les époques où ces puissances inter-