qu’il avait pris à la citadelle, semblait remplir les fonctions d’un simple cadi.
Le boulanger était à genoux et tendait le cou en recommandant son âme aux anges Monkir et Nekir. À cet instant, un jeune homme fendit la foule et s’élança vers Hakem en lui montrant un anneau d’argent constellé. C’était Yousouf le sabéen.
— Accordez-moi, s’écria-t-il, la grâce de cet homme.
Hakem se rappela sa promesse et reconnut son ami des bords du Nil. Il fit un signe ; le bourreau s’éloigna du boulanger, qui se releva joyeusement. Hakem, entendant les murmures du peuple désappointé, dit quelques mots à l’oreille du chef du guet, qui s’écria à haute voix :
— Le glaive est suspendu jusqu’à demain à pareille heure. Alors, il faudra que chaque boulanger fournisse le pain à raison de dix ocques pour un sequin.
— Je comprenais bien l’autre jour, dit le sabéen à Hakem, que vous étiez un homme de justice, en voyant votre colère contre les boissons défendues ; aussi cette bague me donne un droit dont j’userai de temps en temps.
— Mon frère, vous avez dit vrai, répondit le calife en l’embrassant. Maintenant, ma soirée est terminée ; allons faire une petite débauche de hachich à l’okel des sabéens.
III — LA DAME DU ROYAUME
À son entrée dans la maison, Yousouf prit à part le chef de l’okel et le pria d’excuser son ami de la conduite qu’il avait tenue quelques jours auparavant.
— Chacun, dit-il, a son idée fixe dans l’ivresse ; la sienne alors est d’être dieu !
Cette explication fut transmise aux habitués, qui s’en montrèrent satisfaits.
Les deux amis s’assirent au même endroit que la veille ; le négrillon leur apporta la boîte qui contenait la pâte enivrante,