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DRUSES ET MARONITES.

fond, c’était un bon diable, et il m’en donna la preuve par l’intérêt que ma situation lui inspira.

— Je vous avouerai, lui dis-je, qu’ayant connu le pacha à l’époque de son séjour à Paris, j’avais espéré de sa part une réception moins cérémonieuse ; je fondais même quelque espérance sur des services que cette circonstance m’aurait permis de rendre au cheik druse, père de la jolie fille dont je vous ai parlé… Et maintenant, je ne sais trop ce que j’en puis attendre.

— Plaisantez-vous ? me dit le Marseillais ; vous allez vous donner tant de peine pour une petite fille des montagnes ? Eh ! quelle idée vous faites-vous de ces Druses ? Un cheik druse, eh bien, qu’est-ce que c’est près d’un Européen, d’un Français qui est du beau monde ? Voilà dernièrement le fils d’un consul anglais, M. Parker, qui a épousé une de ces femmes-là, une Ansarienne du pays de Tripoli ; personne de sa famille ne veut plus le voir ! C’était aussi la fille d’un cheik pourtant.

— Oh ! les Ansariens ne sont pas les Druses.

— Voyez-vous, ce sont là des caprices de jeune homme. Moi, je suis resté longtemps à Tripoli ; je faisais des affaires avec un de mes compatriotes qui avait établi une filature de soie dans la montagne ; il connaissait bien tous ces gens-là ; ce sont des peuples où les hommes, les femmes mènent une vie bien singulière.

Je me mis à rire, sachant bien qu’il ne s’agissait là que de sectes qui n’ont qu’un rapport d’origine avec les Druses, et je priai le Marseillais de me conter ce qu’il savait.

— Ce sont des drôles !… me dit-il à l’oreille avec cette expression comique des Méridionaux, qui entendent par ce terme quelque chose de particulièrement égrillard.

— C’est possible, dis-je ; mais la jeune fille dont je vous parle n’appartient pas à des sectes pareilles, où peuvent exister quelques pratiques dégénérées du culte primitif des Druses. C’est ce qu’on appelle une savante, une akkalé.

— Eh ! oui, c’est bien cela ; ceux que j’ai vus nomment leurs