Page:Nerval - Voyage en Orient, I, Lévy, 1884.djvu/435

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
423
DRUSES ET MARONITES.

À ce point de vue, mon mariage devient de la haute politique. Il s’agit peut-être de renouer les liens qui attachaient autrefois les Druses à la France. Ces braves gens se plaignent de voir notre protection ne s’étendre que sur les catholiques, tandis qu’autrefois les rois de France les comprenaient dans leurs sympathies comme descendants des croisés et pour ainsi dire chrétiens[1]. Les agents anglais profitent de cette situation pour faire valoir leur appui, et de là les luttes des deux peuples rivaux, druse et maronite, autrefois unis sous les mêmes princes.

Le kaïmakam a permis enfin au cheik Eschérazy de retourner dans son pays et ne lui a pas caché que c’était à mes sollicitations près du pacha d’Acre qu’il devait ce résultat. Le cheik m’a dit :

— Si tu as voulu te rendre utile, tu n’as fait que le devoir de chacun ; si tu y avais ton intérêt, pourquoi te remercierais-je ?




Sa doctrine m’étonne sur quelques points, cependant elle est noble et pure, quand on sait bien se l’expliquer. Les akkals ne reconnaissent ni vertus ni crimes. L’homme honnête n’a pas de mérite ; seulement, il s’élève dans l’échelle des êtres comme le vicieux s’abaisse. La transmigration amène le châtiment ou la récompense.

On ne dit pas d’un Druse qu’il est mort, on dit qu’il s’est transmigré.

Les Druses ne font pas l’aumône, parce que l’aumône, selon eux, dégrade celui qui l’accepte. Ils exercent seulement l’hospitalité, à titre d’échange dans cette vie ou dans une autre.

Ils se font une loi de la vengeance ; toute injustice doit être punie ; le pardon dégrade celui qui le subit.

On s’élève chez eux non par l’humilité, mais par la science ; il faut se rendre le plus possible semblable à Dieu.

  1. Si frivoles que soient ces pages, elles contiennent une donnée vraie. On peut se rappeler la pétition collective que les Druses et les Maronites ont adressée récemment à la chambre des députes.