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LES FEMMES DU CAIRE.


IX — LE JARDIN DE ROSETTE


Le barbarin qu’Abdallah avait mis à sa place, un peu jaloux peut-être de l’assiduité du juif et de son wékil, m’amena un jeune homme fort bien vêtu, parlant italien et nommé Mahomet, qui avait à me proposer un mariage tout à fait relevé.

— Pour celui-là, me dit-il, c’est devant le consul. Ce sont des gens riches, et la fille n’a que douze ans.

— Elle est un peu jeune pour moi ; mais il parait qu’ici c’est le seul âge où l’on ne risque pas de les trouver veuves ou divorcées.

Signor, è vero ! ils sont très-impatients de vous voir, car vous occuper une maison où il y a eu des Anglais ; on a donc une bonne opinion de votre rang. J’ai dit que vous étiez un général.

— Mais je me suis pas général.

— Allons donc ! vous n’êtes pas un ouvrier, ni un négociant. Vous ne faites rien ?

— Pas grand’chose.

— Eh bien, cela représente ici au moins le grade d’un myrliva (général).

Je savais déjà qu’en effet au Caire, comme en Russie, on classait toutes les positions d’après les grades militaires. Il est à Paris des écrivains pour qui c’eût été une mince distinction que d’être assimilés à un général égyptien ; moi, je ne pouvais voir là qu’une amplification orientale. Nous montons sur des ânes et nous nous dirigeons vers le Mousky. Mahomet frappe à une maison d’assez bonne apparence. Une négresse ouvre la porte et pousse des cris de joie ; une autre esclave noire se penche avec curiosité sur la balustrade de l’escalier, frappe des mains en riant très-haut, et j’entends retentir des conversations où je devinais seulement qu’il était question du myrliva annoncé.

Au premier étage, je trouve un personnage proprement vêtu, ayant un turban de cachemire, qui me fait asseoir et me pré-