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VOYAGE EN ORIENT.

tues de lames d’or ; il y a de l’or sur toutes les parois ; sur ces murailles d’or, il y aura des palmes d’or et une frise avec des grenades en or massif, et, le long des cloisons dorées, je fais appendre deux cents boucliers d’or pur. Les autels, les tables, les chandeliers, les vases, les parquets et les plafonds, tout sera revêtu de lames d’or…

— Il me semble que c’est beaucoup d’or, objecta la reine avec modestie.

Le roi Soliman reprit :

— Est-il rien de trop splendide pour le roi des hommes ? Je tiens à étonner la postérité… Mais pénétrons dans le sanctuaire, dont la toiture est encore à élever, et où déjà sont posées les fondations de l’autel, en face de mon trône à peu près terminé. Comme vous le voyez, il y a six degrés ; le siège est en ivoire, porté par deux lions, aux pieds desquels sont accroupis douze lionceaux, La dorure est à brunir, et l’on attend que le dais soit érigé. Daignez, noble princesse, vous asseoir la première sur ce trône vierge encore ; de là, vous inspecterez les travaux dans leur ensemble. Seulement, vous serez en butte aux traits du soleil, car le pavillon est encore à jour.

La princesse sourit, et prit sur son poing l’oiseau Hud-Hud, que les courtisans contemplèrent avec une vive curiosité.

Il n’est pas d’oiseau plus illustre ni plus respecté dans tout l’Orient. Ce n’est point pour la finesse de son bec noir, ni pour ses joues écarlates ; ce n’est pas pour la douceur de ses yeux gris de noisette, ni pour la superbe huppe en menus plumages d’or qui couronnent sa jolie tête ; ce n’est pas non plus pour sa longue queue noire comme du jais, ni pour l’éclat de ses ailes d’un vert doré, rehaussé de stries et de franges d’or vif, ni pour ses ergots d’un rose tendre, ni pour ses pattes empourprées, que la sémillante Hud-Hud était l’objet des prédilections de la reine et de ses sujets. Belle sans le savoir, fidèle à sa maîtresse, bonne pour tous ceux qui l’aimaient, la huppe brillait d’une grâce ingénue sans chercher à éblouir. La