Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/168

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
VOYAGE EN ORIENT.

ma sœur, mon épouse, enfin je vous ai trouvée ! Seuls sur la terre, vous et moi, nous commandons à ce messager ailé des génies du feu dont nous sommes descendus.

— Quoi ! seigneur, Adoniram serait… ?

— Le dernier rejeton des Koùs, petit-fils de Tubal-Kaïn, dont vous êtes issue par Saba, frère de Nemrod le chasseur et trisaïeul des Hémiarites… Et le secret de notre origine doit rester caché aux enfants de Sem, pétris du limon de la terre.

— Il faut bien que je m’incline devant mon maître, dit Balkis en lui tendant la main, puisque, d’après l’arrêt du destin, il ne m’est pas permis d’accueillir un autre amour que celui d’Adoniram.

— Ah ! répondit-il en tombant à ses genoux, c’est de Balkis seule que je veux recevoir un bien si précieux ! Mon cœur a volé au-devant du vôtre, et, dès l’heure où vous m’êtes déjà apparue, j’ai été votre esclave.

Cet entretien eût duré longtemps, si Sarahil, douée de la prudence de son âge, ne l’eût interrompu en ces termes :

— Ajournez ces tendres aveux ; des soins difficiles vont fondre sur vous, et plus d’un péril vous menace. Par la vertu d’Adonaï, les fils de Noé sont maîtres de la terre, et leur pouvoir s’étend sur vos existences mortelles. Soliman est absolu dans ses États, dont les nôtres sont tributaires. Ses armées sont redoutables, son orgueil est immense ; Adonaï le protège ; il a des espions nombreux. Cherchons le moyen de fuir de ce dangereux séjour, et, jusque-là, de la prudence. N’oubliez pas, ma fille, que Soliman vous attend ce soir à l’hôtel de Sion… Se dégager et rompre, ce serait l’irriter et éveiller le soupçon. Demandez un délai pour aujourd’hui seulement, fondé sur l’apparition de présages contraires. Demain, le grand prêtre vous fournira un nouveau prétexte. Votre étude sera de charmer l’impatience du grand Soliman. Quant à vous, Adoniram, quittez vos servantes : la matinée s’avance ; déjà la muraille neuve qui domine la source de Siloé se couvre de soldats ; le soleil, qui nous cherche, va porter leurs regards sur nous.