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VOYAGE EN ORIENT.

bien, que Jéhovah soit juge entre vous : si la faveur d’Adoniram vous distingue, elle sera pour moi une marque secrète que le ciel se déclare pour vous, et je veillerai sur Adoniram. Sinon, s’il vous dénie le grade de maîtrise, demain vous comparaîtrez avec lui devant moi ; j’entendrai l’accusation et la défense entre vous et lui : les anciens du peuple prononceront. Allez, méditez sur mes paroles, et qu’Adonaï vous éclaire.

Soliman se leva de son siège, et, s’appuyant sur l’épaule du grand prêtre impassible, il s’éloigna lentement.

Les trois hommes se rapprochèrent vivement dans une pensée commune.

— Il faut lui arracher le mot de passe ! dit Phanor.

— Ou qu’il meure ! ajouta le Phénicien Amrou.

— Qu’il nous livre le mot de passe des maîtres et qu’il meure ! s’écria Méthousaël.

Leurs mains s’unirent pour un triple serment. Près de franchir le seuil, Soliman, se détournant, les observa de loin, respira avec force, et dit à Sadoc :

— Maintenant, tout au plaisir !… Allons trouver la reine.


XI — LE SOUPER DU ROI


À la séance suivante, le conteur reprit :

Le soleil commençait à baisser ; l’haleine enflammée du désert embrasait les campagnes illuminées par les reflets d’un amas de nuages cuivreux ; l’ombre de la colline de Moria projetait seule un peu de fraîcheur sur le lit desséché du Cédron : les feuilles s’inclinaient mouvantes, et les fleurs consumées des lauriers-roses pendaient éteintes et froissées ; les caméléons, les salamandres, les lézards frétillaient parmi les roches, et les bosquets avaient suspendu leurs chants, comme les ruisseaux avaient tari leurs murmures.

Soucieux et glacé durant cette journée ardente et morne, Adoniram, comme il l’avait annoncé à Soliman, était venu