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LES NUITS DU RAMAZAN.

ordres et de l’extinction des feux. Ses pas résonnaient tristement sur les dalles ; une fois encore, il contempla ses œuvres, et s’arrêta longtemps devant un groupe de chérubins ailés, dernier travail du jeune Benoni.

— Cher enfant ! murmura-t-il avec un soupir.

Ce pèlerinage accompli, Adoniram se retrouva dans la grande salle du temple. Les ténèbres épaissies autour de sa lampe se déroulaient en volutes rougeâtres, marquant les hautes nervures des voûtes, et les parois de la salle, d’où l’on sortait par trois portes regardant le septentrion, le couchant et l’orient.

La première, celle du Nord, était réservée au peuple ; la seconde livrait passage au roi et à ses guerriers ; la porte de l’Orient était celle des lévites ; les colonnes d’airain, Jakin et Booz, se distinguaient à l’extérieur de la troisième.

Avant de sortir par la porte de l’Occident, la plus rapprochée de lui, Adoniram jeta la vue sur le fond ténébreux de la salle, et son imagination, frappée des statues nombreuses qu’il venait de contempler, évoqua dans les ombres le fantôme de Tubal-Kaïn. Son œil fixe essaya de percer les ténèbres ; mais la chimère grandit en s’effaçant, atteignit les combles du temple et s’évanouit dans les profondeurs des murs, comme l’ombre portée d’un homme éclairé par un flambeau qui s’éloigne. Un cri plaintif sembla résonner sous les voûtes.

Alors, Adoniram se détourna, s’apprêtant à sortir. Soudain une forme humaine se détacha du pilastre, et d’un ton farouche lui dit :

— Si tu veux sortir, livre-moi le mot de passe des maîtres !

Adoniram était sans armes ; objet du respect de tous, habitué à commander d’un signe, il ne songeait pas même à défendre sa personne sacrée.

— Malheureux ! répondit-il en reconnaissant le compagnon Méthousaël, éloigne-toi ! Tu seras reçu parmi les maîtres quand la trahison et le crime seront honorés ! Fuis avec tes complices avant que la justice de Soliman atteigne vos têtes.

Méthousaël l’entend, et lève d’un bras vigoureux son mar-