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VOYAGE EN ORIENT.


IX — LA PEINTURE CHEZ LES TURCS


Les Turcs n’ont point de peinture, au moins dans le vrai sens de ce mot. Cela tient, comme on sait, à un préjugé religieux que cependant les Persans et les autres mahométans de la secte d’Ali ne paraissent pas partager. Les peintures persanes sont fort connues par des manuscrits, des boîtes de carton de petits objets d’ornement, et même des châles et des soieries, où l’on admire de fort jolis sujets, représentant en général des scènes de chasse. Les poignées d’ivoire des sabres et des yatagans sont couvertes de sculptures compliquées et patientes, qui ressemblent exactement, souvent même par le costume, toujours par l’exécution, à nos sculptures naïves du moyen âge, comme la peinture rappelle aussi les illustrations de nos anciens manuscrits. Le Shah Nameh et plusieurs autres poèmes historiques et religieux sont ornés de petites gouaches représentant des scènes de bataille ou de cérémonies. Les portraits des prophètes se rencontrent souvent dans les livres de religion.

Il n’existe donc aucun article du Coran qui prohibe absolument la reproduction des figures d’hommes ou d’animaux, si ce n’est pour en défendre l’adoration. La loi mosaïque était plus sévère encore, et ne permettait d’exécuter que des séraphins et certaines bêtes sacrées, toujours dans la crainte que le peuple ne se fît une idole de telle ou telle image, fût-ce un veau ou bien un serpent, comme dans le désert.

Il ne paraît pas non plus que les Arabes aient toujours respecté ce scrupule religieux, puisque plusieurs califes ont fait graver leur figure sur les monnaies, ou fait décorer leurs palais de tapisseries à personnages.

En voici un exemple frappant, que j’ai lu dans une histoire des califes, au règne du trente-deuxième calife, Mustanser :

« Il fut calife le jour qu’il fit tuer son père, le Mutavacquel. Le peuple disait qu’il ne régnerait que peu, et cela arriva.