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VOYAGE EN ORIENT.

dans son cabinet, et en ressortit ayant fait en tout deux alexandrins, qui ne sont que passables. Les voici :

Dans le sérail d’un khan[1], sur des coussins brodés,
Dans un kiosque d’or, de grilles entouré…

» Elle n’avait pas pu se tirer du reste.

— Ces vers, observai-je, ne manquent pas d’une certaine couleur orientale ; ils indiquent même un certain désir de savoir à quoi s’en tenir sur la galanterie des Turcs.

— Le prince de Ligne trouva détestables les rimes de ce distique, ce qui découragea l’impératrice de toute prosodie française… Je vous parle de choses que je ne sais que par ouï-dire. J’étais alors au berceau, et je n’ai vu que les dernières années de ce grand règne… Après la mort de l’impératrice, j’héritai sans doute de ce désir violent qu’elle avait eu de voir Constantinople. Je quittai ma famille, et j’arrivai ici avec fort peu d’argent. J’avais vingt ans, de belles dents, et la jambe admirablement tournée…


V — UNE AVENTURE DE L’ANCIEN SÉRAIL


Mon vieux compagnon s’interrompit avec un soupir et me dit en regardant le ciel :

— Je vais reprendre mon récit, je voudrais seulement vous montrer la reine de la fête qui commence pour Stamboul et qui durera trente nuits.

Il indiqua du doigt un point du ciel où se montrait un faible croissant : c’était la nouvelle lune, la lune du Ramazan, qui se traçait faiblement à l’horizon. Les fêtes ne commencent que quand elle a été vue nettement du haut des minarets ou des montagnes avoisinant la ville. On en transmet l’avis par des signaux.

  1. Le khan, c’est le sultan, ou encore tout souverain indépendant des pays d’Asie.