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DE PARIS À CYTHÈRE.

Autrefois, on les eût traités plus durement dans ce même canton où Calvin fit rôtir Michel Servet avec du bois vert, afin que le supplice durât plus longtemps. Aujourd’hui, l’on se contente de leur ôter le bois ; au lieu de les faire brûler sur la place publique, on les laisse geler dans leurs maisons.

Je suis là tellement désœuvré, que je passe de la politique aux annonces. J’en trouve de fort amusantes ; je serais heureux de pouvoir ajouter à leur publicité, mais elle leur viendrait trop tard en aide. Les avis judiciaires, sont conçus dans une forme tout à fait paternelle ; aussi recommandons ces formules d’épîtres à nos juges d’instruction ; cela peut épargner beaucoup de gendarmes, et, si les criminels lisent les journaux, ils ne peuvent manquer d’être touchés par des avertissements si polis.

Ces lectures étant, après tout, peu récréatives, j’ai été charmé de monter dans la diligence, et de m’y incruster chaudement entre deux fortes dames de Lausanne qui se rendaient aussi à Berne. N’est-ce pas moi qui ai dit dernièrement que toutes les femmes de Genève ont quarante ans ? Cela vient sans doute de ce que, ces dames étant en général fort jolies, Paris les enlève dans leur belle saison, et ne les rend à leur patrie qu’après les avoir un peu fanées, un peu brisées… Elles demeurent là quelques années, à l’état d’illusions perdues, elles vont mirer leurs bas bleus dans le lac bleu ; c’est l’école encore vigoureuse de Rousseau, de madame de Staël, de Benjamin Constant. Puis, quand les quarante ans qui leur servaient à en avoir trente, commencent à friser le demi-siècle, ces beautés passent un jour de Genève à Lausanne par la douce transition du lac Léman. C’est alors l’école de Senancour, de madame de Krudner, de madame de Charrière, etc. ; cela fait des anges tombés, déchus, abattus, abîmés, à un point extraordinaire ; puis Balzac les relève un jour de son souffle puissant. La femme de cinquante ans demande à s’appuyer sur la canne de notre ami. Je ne fais que lui transmettre ce désir, et lui apprendre combien il est aimé et espéré dans ce pays.