Page:Nerval - Voyage en Orient, II, Lévy, 1884.djvu/409

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
397
DE PARIS À CYTHÈRE.

Il paraît qu’il n’avait pas compris, car je le vois, un instant après, qui coupe du pain dans la tasse ; je n’avais jamais ouï dire qu’on se trempât une soupe de quinquina, et, en effet, c’était du bouillon. Le spectacle de ce garçon mangeant sa soupe était aussi peu récréatif que le récit que je t’en fais… Voilà un joli rendez-vous qu’on m’a donné là. Je salue le chasseur en lui souhaitant une meilleure santé, et je repasse dans l’autre pièce.

— Ah çà ! dis-je à la jeune Bohême, ce monsieur malade est-il votre mari ?

— Non.

— Votre frère ?

— Non.

— Votre amoureux ?

— Non.

— Qu’est-ce qu’il est donc ?

— Il est chasseur. Voilà tout.

Il faut observer, pour l’intelligence de mes questions, qu’il y avait dans la seconde chambre trois lits, et qu’elle m’avait appris que l’un était le sien, et que c’était cela qui l’empêchait de me recevoir. Enfin, je n’ai jamais pu comprendre la fonction de ce personnage. Elle m’a dit, toutefois, de revenir le lendemain ; mais j’ai pensé que, si c’était pour jouir de la conversation du chasseur, il valait mieux attendre qu’il fût rétabli. Je n’ai revu Vhahby que huit jours après ; elle n’a pas été plus étonnée de mon retour que de ce que j’avais été si longtemps sans revenir. Le chasseur était rétabli et sorti… Je ne savais à quoi tenait sa sauvagerie, elle m’a dit que les enfants étaient dans l’autre pièce.

— Est-ce à vous, ces enfants ?

— Oui.

— Diable !

Il y en a trois, blonds comme des épis, blonds comme elle. J’ai trouvé cela si respectable, que je ne suis pas revenu encore dans la maison ; j’y reviendrai quand je voudrai. Les trois en-