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DE PARIS À CYTHÈRE.

vint faire en personne. Nous avions conçu d’abord quelque inquiétude sur le sort de cette longue production littéraire, qui arrivait après les chanteurs et les acteurs, après Liszt, après Beriot. On viendrait lire alors à un public français un article inédit de Voltaire, qu’il demanderait bien vite ses chevaux et ses socques, comme M. de Buffon. Eh bien, tout ce public brillant de Vienne resta à la lecture de cet article, qui était le développement d’un paradoxe philosophique, et l’on applaudit Saphir, et on le redemanda deux fois. Voilà ce que c’est qu’une académie dans les villes d’Allemagne ; un homme de lettres donne des concerts de poésie et de musique, comme un simple artiste exécutant. L’Académie de Saphir lui a rapporté trois mille florins. Impossible de te donner une idée plus exacte des plaisirs du grand monde à Vienne ; il faut séparer absolument celui-là de l’autre ; car, ici, il y a encore un grand monde, n’en doute pas.

Ce sont là les plaisirs de la population de Vienne pendant l’hiver. Et c’est l’hiver seulement qu’on peut étudier cette ville dans toutes les nuances originales de son caractère semi-slave et semi-européen. L’été, le beau monde s’éloigne, parcourt l’Italie, la Suisse et les villes de bains, ou va siéger dans ses châteaux de Hongrie de de Bohême ; le peuple transporte au Prater, à l’Augarten, à Hitzing, toute l’ardeur et tout l’enivrement de ses fêtes, de ses valses et des interminables soupers. Il faut donc prendre alors les bateaux du Danube ou la poste impériale, et laisser cette capitale à sa vie de tous les jours, si variée et si monotone à la fois.

Vienne, pendant l’été, devient une ville aussi ennuyeuse que l’est Munich dans tous les temps.


X — SUITE DU JOURNAL


1er février. — Reprenons l’histoire de nos aventures… Et maintenant, sonnons de la trompette ; couvrons nos défaites passées avec tous les triomphes de ce qui nous arrive aujour-