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lorely.

viii — UNE VISITE AU BOURREAU DE MANNHEIM


Nous n’étions pas sans émotion en touchant le marteau de ce logis d’une apparence particulièrement propre et gaie. Des enfants de la ville s’assemblaient derrière nous, mais sans mauvaise intention ; à Paris, l’on eût jeté des pierres. Une seule idée nous fit rire : ce fut le souvenir d’un monsieur, dégoûté de la vie, qui avait fait une visite pareille à M. Samson, et lui avait dit, en le saluant poliment :

— Monsieur, je désirerais que vous me guillotinassiez.

Je crois avoir lu le fait dans les Contes du lycanthrope Pétrus Borel.

Cet imparfait du subjonctif d’un pareil verbe m’a toujours paru fort plaisant.

Nous voilà donc toujours frappant à la porte du bourreau, car on n’ouvre pas. Quel épisode pour un de ces romans qu’on faisait il y a quelques années ! Mais le temps n’était plus de ces ogreries littéraires, et notre démarche était bien naïve et toute dans l’intérêt de l’art et de la vérité.

Au bout de dix minutes, nous entendîmes un bruit de talons éperonnés, puis on ouvrit la porte en tirant beaucoup de verrous. Un homme fort jeune, un peu trapu dans sa taille, à la figure romantique, nous demanda ce que nous voulions, sans nous prier d’entrer. Nous lui dîmes que nous étions écrivains et cherchions à réunir des renseignements sur Carl Sand. Alors, il nous ouvrit entièrement la porte et nous indiqua une salle de rez-de-chaussée fort claire, nous priant d’attendre qu’il eût refermé la lourde porte, ce qu’il fit avec soin.

La chambre où il nous rejoignit après un instant, et qui semblait être son cabinet de travail, était ornée de gravures et d’oiseaux empaillés.

— Vous êtes chasseur ? lui dit mon compagnon en frappant sur un fusil à deux coups suspendu au mur.

Il répondit par un signe.