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lorely.

mais les Allemands sont si honnêtes, de toute façon, que le prix des subsistances n’a pas même augmenté.

En parcourant les longues allées de la promenade peuplée d’une foule brillante et côtoyée par des équipages nombreux, j’ai demandé en allemand où était la maison de conversation : — personne ne savait l’allemand. En me servant du français, j’ai été tout de suite compris.

J’espérais trouver, pour le soir, quelque représentation qui m’aidât à tuer le temps ; mais les affiches n’annonçaient qu’un concert du jeune Raucheratz, âgé de dix ans, sous la coopération de mademoiselle Franzisca.

En me promenant dans la ville, je lisais partout le mot restauration. Ce terme de circonstance ne voulait pourtant dire autre chose que restaurant.

Je suis entré dans une restauration, et l’on m’a dit :

— Voulez-vous être à la table d’hôte des blancs ?

J’ai demandé à réfléchir. L’hôtelier a ajouté :

— Nous avons une autre table pour les rouges.

N’admirez-vous pas cette question en partie double !

Toujours prudent, en voyage, j’ai fini par me faire servir à part, et à la carte. L’hôtelier m’a dit :

— Vous avez raison.

Et lui-même avait aussi ses raisons !

Pardon, mon cher Dumas ! — je vous écris un peu à la manière allemande, mais je ne puis faire autrement. Dès que je prends pied de l’autre côté du Rhin, je fredonne aussitôt le tirily joyeux que chantait Henri Heine en voyant l’Italie, — et j’oublie un peu le français, bien que je ne sache pas beaucoup l’allemand.

J’ai appris cette langue, comme on étudie une langue savante, — en commençant par les racines, par le haut allemand et le vieux dialecte souabe. De sorte que je ressemble ici à ces professeurs de chinois ou de thibétain que l’on a la malice de mettre en rapport avec des naturels de ce pays… Peut-être pourrais-je prouver à tel Allemand que je sais sa langue mieux