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lorely.

Ce paladin est vainqueur dans le combat, et il épouse la princesse, qui, au fond, eut innocente, et victime des propos d’un couple pervers qui la poursuit de sa haine.

L’histoire n’est pas terminée ; il reste encore deux actes, dans lesquels l’innocence continue à être persécutée. On y rencontre une fort belle scène dans laquelle la princesse veut empêcher Lohengrin de partir pour combattre ses ennemis. Il insiste et se livre aux plus grands dangers ; mais un génie mystérieux le protège, — c’est le cygne, dans le corps duquel se trouve l’âme du petit prince, frère de la princesse de Brabant, — péripétie qui se révèle au dénoûment, et qui ne peut être admise que par un public habitué aux légendes de la mythologie septentrionale.

Cette tradition est du reste connue, et appartient à l’un des poèmes ou roumans du cycle d’Artus. — En France, on comprendrait Barbe-Bleue ou Peau-d’âne ; il est donc inutile de nous étonner.

Lohengrin est un des chevaliers qui vont à la recherche de Saint-Graal. C’était le but, au moyen âge, de toutes les expéditions aventureuses, comme, à l’époque des anciens, la Toison d’or, et aujourd’hui la Californie. Le Saint-Graal était une coupe remplie du sang sorti de la blessure que le Christ reçut sur sa croix. Celui qui pouvait retrouver cette précieuse relique était assuré de la toute-puissance et de l’immortalité. — Lohengrin, au lieu de ces dons, a trouvé le bonheur terrestre et l’amour. Cela suffit de reste à la récompense de ce chevalier.

La musique de cet opéra est très-remarquable et sera de plus en plus appréciée aux représentations suivantes. C’est un talent original et hardi qui se révèle à l’Allemagne, et qui n’a dit encore que ses premiers mots. On a reproché à Wagner d’avoir donné trop d’importance aux instruments, et d’avoir, comme disait Grétry, mis le piédestal sur la scène et la statue dans l’orchestre ; mais cela a tenu sans doute au caractère de son poëme, qui imprime à l’ouvrage la forme d’un drame lyrique plutôt que celle d’un opéra.