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VOYAGE EN ORIENT.

cette affaire, par l’empressement que j’ai toujours de rendre service à la jeunesse. Ce pauvre garçon a été sauvé d’un mauvais pas, grâce à mon intervention, et, comme il ne peut pas rendre l’argent, la khanoun ne veut donner quittance que moyennant le mariage.

— Telle est la triste vérité, dit le jeune homme.

La dame s’attendrit.

— Mais quel plaisir vous auriez, lui dit la juive, à voir cette femme astucieuse méprisée et dédaignée par l’homme qui vous aime !

Il est dans la nature d’une femme fière et convaincue de ses avantages de ne pas douter d’un pareil résultat.

On signe le contrat. Dès lors, la question est de savoir laquelle des deux femmes aura la prééminence. La juive apporte à l’heureux Osman un bouquet, qui doit devenir le signe du choix que fera le nouvel époux pour la première nuit des noces. Embarras de ce dernier : chacune des femmes tend déjà la main pour recevoir le gage de préférence. Mais, au moment où il hésite entre la brune et la blonde, un grand bruit se fait dans la maison ; les esclaves accourent effrayés en disant qu’ils viennent de voir un revenant. Tableau des plus dramatiques. Le bimbachi entre en scène avec un bâton. Cet époux si peu regretté n’est pas mort comme on l’imaginait. Il manquait au cadre de l’armée, ce qui l’avait fait noter parmi les morts, mais il n’avait été que prisonnier. Un traité de paix intervenu entre les Russes et les Turcs l’a rendu à sa patrie… et à ses affections. Il ne tarde pas à comprendre la scène qui se passe et administre une volée de coups de bâton à tous les assistants. Les deux femmes, la juive et l’amant s’enfuient après les premiers coups, et le cadi, moins alerte, est battu pour tout le monde, aux applaudissements les plus enthousiastes du public.

Telle est cette scène, dont le dénoûment moral réjouit tous les maris présents à la représentation.

Ces deux pièces peuvent donner une idée de l’état où l’art