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POLITIQUE.

Dans une autre lettre Courier disait à son tour : « Les chansons de Déranger, tirées à dix mille exemplaires, ont été vendues en huit jours. On en fait une autre édition. On lui a ôté sa place ; il s’en moque, il était simple expéditionnaire. Mes drogues se vendent aussi très-bien. » On voit le genre de terreur que les prisons politiques de la Restauration inspiraient aux écrivains. Deux mois de captivité étaient un excellent placement. Cela n’empêchait pas de se plaindre tout haut ; mais on riait tout bas, en vendant bien ses drogues, comme parle Paul-Louis.

On ne peut s’empêcher de sourire quand on voit avec quel sérieux l’ancien échappé de l’armée républicaine de Mayence et de l’armée impériale de Wagram se pose en soldat belliqueux, depuis que l’on ne se bat plus. Dans sa Pétition pour des villageois qu’on empêche de danser (juillet 1822), Courier, s’adressant à un jeune curé élevé par un frère de Picpus et qui avait interdit la danse sur la place de l’endroit, lui dit du ton d’un vétéran de nos grandes guerres qui s’appuie à regret sur sa vieille épée de combat que la Restauration l’aurait forcé de remettre au fourreau : « Ainsi, l’horreur de ces jeunes gens pour les plus simples amusements leur vient du triste Picpus, qui lui-même tient d’ailleurs sa morale farouche. Voilà comme, en remontant dans les causes secondes, on arrive à Dieu, cause de tout. Dieu nous livre aux Picpus. Ta volonté. Seigneur soit faite en toute chose ! Mais qui l’eût dit à Austerlitz ! » L’homme qui traduisait l’oraison pro Ligario pendant que nos gens se battaient, écrit encore dans le même style qui sent son bivouac : « Je suis du peuple ; je ne suis pas des hautes classes ; j’ignore leur langage et