Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/220

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sipations d’une vie épicurienne, il cherchait le succès sur des routes où il ne devait pas le trouver, car en entreprenant un poëme épique, sous le titre de Clovis, en composant des dithyrambes religieux, le Déluge, le Jugement dernier, le Rétablissement du culte, ou une idylle intitulée le Pélerinage, il tentait, ce qui porte ordinairement malheur, d’exprimer des idées qui n’étaient pas les siennes et des sentiments qu’il n’avait pas dans le cœur. Le découragement finit par l’atteindre. La misère, à la suite de cette vie épicurienne, était venue frapper à la porte de sa mansarde, et à la place de la gloire qu’il attendait, il avait vu venir la faim. Il a lui-même raconté comment, dans une heure de désespoir, il tenta une démarche qui améliora sa position. « En 1803, dit-il, privé de ressources, las d’espérances déçues, versifiant sans but et sans encouragement, sans instruction et sans conseils, j’eus l’idée (et combien d’idées semblables étaient restées sans résultats), j’eus l’idée de mettre sous enveloppe mes informes poésies et de les adresser par la poste au frère du premier consul, à M. Lucien Bonaparte, déjà célèbre par un grand talent oratoire et par l’amour des arts et des lettres. Mon épître d’envoi, je me la rappelle encore, digne d’une jeune tête toute républicaine, portait l’empreinte de l’orgueil blessé par le besoin de recourir à un protecteur. Pauvre, inconnu, désappointé tant de fois, je n’osais compter sur

    ma chère amie ; aimez et laissez-vous aimer ! J’ai bien connu ce bonheur, c’est le plus grand de la vie ! »