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renouveler la périlleuse tentative de Léandre. L’amour-propre fut un aussi puissant mobile pour lord Byron que l’amour l’avait été pour le Grec de la poétique légende ; mais l’amour-propre fut plus heureux que l’amour, car, suivant les vers du poëte anglais, là où Léandre rencontra la mort, son imitateur ne rencontra que la fièvre. L’aspect de Constantinople n’était pas propre, à cette époque, à réconcilier avec le genre humain un esprit naturellement porté à la misanthropie ; aussi les vers que lord Byron écrivit dans cette ville sont-ils remplis de l’admiration que lui inspirait le climat, « splendide hyménée de la nature et des cieux, » et d’une recrudescence de haine et de mépris pour l’humanité. Les nouvelles que lord Byron reçut à Constantinople sur l’état de sa fortune le rappelèrent en Angleterre ; mais il ne voulut point partir sans faire ses adieux à la Grèce, et ce culte touchant pour cette glorieuse terre fut le seul bon sentiment qu’il rapporta de son long pèlerinage ; d’autant plus touchant qu’il fut durable, et que le poëte donna plus tard à la Grèce sa fortune et sa vie.

On peut maintenant saisir tous les points de vue du génie du poëte et l’ensemble des qualités et des défauts qui allaient lui assurer une influence prépondérante sur notre littérature. On a remarqué les circonstances qui donnèrent l’essor à une imagination déjà impatiente de tout frein : cette soif d’émotions s’allumant dans les eaux mêmes où elle se désaltère ; cette individualité hautaine, achevant de s’enivrer d’elle-