Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/30

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parce qu’il sentait que le coup portait en pleine poitrine contre les philosophes. — « Bah ! bah ! disait-il, ces gens ne voient pas que cela tient à la nature de votre talent. Oh ! laissez-moi faire, je les ferai crier, je serre dur. »

Bientôt après, le Génie du christianisme parut et produisit une sensation profonde et universelle. Rien ne manqua à son succès, les éloges enthousiastes du parti religieux, les vives attaques du parti philosophique, enfin l’intérêt général. Il y avait dans cet ouvrage un caractère qui, avec les rares qualités de l’auteur, devait lui assurer un grand succès ; il enrôlait l’esprit moderne au service des idées chrétiennes. Il ouvrait à l’élément chrétien, qui a joué un si grand rôle dans la civilisation française, les portes de notre littérature, et lui attribuait une prépondérance qu’il n’avait pas eue à un si haut degré depuis le double mouvement de la renaissance et du protestantisme, et que le dix-huitième siècle lui avait complétement enlevée. Il diminuait en même temps l’influence de l’esprit antique, et rapprochait notre littérature de ses sources nationales, en étant au rationalisme, qui avait desséché l’inspiration, ce qu’il rendait au sentiment, et en rapprochant l’homme des beautés naïves de la nature, éclairées et vivifiées par les révélations surnaturelles de la foi catholique. Il y avait, dans cette nouvelle manière de considérer les choses, je ne sais quoi de rêveur, comme l’espoir, et en même temps de désenchanté, comme l’expérience, qui tenait aux sentiments religieux de l’au-