Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/306

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poétiques de premier ordre, projette sur les âmes je ne sais quelle ombre glacée, comme l’air qui sort des souterrains funèbres. On y respire comme une odeur de mort et de néant, et l’on y entend sonner le glas de la terre, sans y entendre ces trompettes des archanges qui, sur la terre morte, réveilleront l’humanité immortelle.

Ce ne sont là, il est vrai, si l’on veut, que des exceptions, des fantaisies rêveuses et désespérées, au milieu de pièces bien plus nombreuses qui croient, espèrent et prient ; mais ces exceptions indiquent que le trouble peut s’introduire dans cette intelligence et que la rectitude des pensées du poëte incline à fléchir. La langue poétique des Méditations est riche, abondante, facile ; souvent abondante jusqu’à la prodigalité et facile jusqu’à la négligence et à l’incorrection. Le poëte s’en est lui-même aperçu, car il dit dans l’avertissement : « Je demande grâce pour les imperfections de style, dont les esprits délicats seront peut-être blessés. Ce que l’on sent fortement, s’écrit vite. » Le temps ne fait rien à l’affaire : en excusant l’imperfection, on n’y remédie pas ; le style est si étroitement lié à l’idée, que les défauts de l’un rejaillissent sur l’autre. Quand on coule ses pensées dans le plâtre, elles vivent ce que vit le plâtre ; quand on les taille dans le marbre, elles participent à sa durée. Sauf certains morceaux privilégiés, il y a dans les Harmonies trop de paroles pour la même idée, trop d’images pour le même sentiment. Cette poésie ressemble à ces prairies à la verdure