Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/358

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voltairien, en un mot, l’avouaient pour poète. Il nourrissait ainsi les haines et entretenait les préjugés contre une royauté dont on avait vu, dans ce parti, le retour avec regret, et dont on regardait presque l’existence comme un malheur, comme un reproche peut-être.

Cette royauté trouvait encore sa force dans un principe politique presque aussi ancien que la société, l’hérédité ; dans ces doctrines monarchiques, dans les mœurs monarchiques existant en France. M. de Béranger dirigea ses attaques sur ce point encore. L’admirateur de l’autorité absolue de l’empereur ressentira, puisqu’il le faut, l’enthousiasme démocratique. Il excitera les Gaulois à briser leurs fers ; il chantera Spartacus après avoir chanté César. M. de la Fayette deviendra son héros après l’empereur, et il aimera le despotisme et la république indivis. Canaris, qui combattit pour affranchir son pays, ne lui sera pas moins cher que le souvenir de l’empire. Que d’hymnes dédiés à la liberté des deux mondes ! Que de flatteries adressées aux passions populaires ! Avec quelle verve M. Béranger saura exciter cette soif d’indépendance qui brûle le cœur de la jeunesse ! Avec quel enthousiasme lyrique il parlera aux passions envieuses qui se remuent dans les rangs inférieurs de la société ! M. Béranger est le Tyrtée des prolétaires. Celui dont la morale facile célébrait tout à l’heure les plaisirs libertins, le poëte du sensualisme, le chantre érotique des mœurs relâchées, change tout à coup de ton et de langage. Son vers aviné qui, plein de chambertin, chancelait il y a un