Page:Nettement - Histoire de la littérature française sous la restauration 1814-1830, tome 1.djvu/410

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nous voulons parler du Journal des Débats. C’est dans cet instant surtout que la polémique politique jeta le plus vif éclat littéraire. M. de Chateaubriand, qui avait déjà montré, en 1814, dans sa brochure sur Bonaparte et les Bourbons, le redoutable talent du pamphlétaire, comme il avait parlé dans la Monarchie selon la charte, la grande langue du publiciste, déploya, de 1824 à 1830, aux dépens de la monarchie qu’il aimait, cette double faculté de son intelligence. Ce fut une nouvelle face de son génie. Il devint le chef de la croisade intellectuelle dont les coups, traversant le ministèrearrivaient jusqu’à la royauté, que beaucoup d’entre les assaillants auraient voulu et croyaient sauver. Jamais la puissance de la presse ne s’était révélée sous une forme plus éclatante ; jamais elle n’avait exercé un ascendant si irrésistible. L’auditoire de l’illustre écrivain s’était élargi : ses anciens amis le lisaient toujours, quoique souvent avec tristesse ; ses anciens adversaires dont il s’était fait de nouveaux amis, le lisaient avec empressement. Benjamin Constant se félicitait de servir dans son armée ; Étienne mettait le Constitutionnel à ses ordres[1] ; en même temps, Michaud demeurait fidèle à son drapeau. C’était un enivrement général partagé par celui qui l’inspirait ; la plume d’un écrivain était devenue un sceptre avec lequel il gouvernait l’opinion. Rien ne donnera une idée de ce style tout palpitant de l’émotion du moment,

  1. Voir les Mémoires d’outre-tombe.