— Oh ! tante Gertrude ! tante Gertrude !
C’était tout ce que pouvait dire Paule, dans sa joie éperdue… Mais ses baisers parlaient pour elle, et pour la première fois ne recevaient pas les rebuffades habituelles de la vieille fille.
Celle qui fut bien étonnée aussi, ce fut Thérèse, lorsqu’elle arriva à l’heure du déjeuner dans la salle où les jeunes gens et la châtelaine se trouvaient déjà.
Son air absolument stupéfait n’échappa point aux yeux perçants de Mlle Gertrude.
— Tu cherches notre hôte, le comte de Ponthieu, dit-elle gaiement. Ma chère, il est devant toi !
Et désignant son régisseur qui s’avançait radieux, les mains tendues :
— Le comte de Ponthieu, ma petite !
La jeune fille s’était arrêtée à l’entrée de la pièce et regardait d’un air effaré tous ceux qui l’entouraient.
— Tu n’y comprends rien, hein ? continua la châtelaine, ça ne m’étonne pas ! Il n’y a que Gertrude de Neufmoulins qui ait su se tirer d’un pareil imbroglio ! Enfin, ça ne fait rien ! Assieds-toi à table et pendant que tu mangeras, ma nièce, à qui la joie a bien sûr ôté l’appétit — regarde-moi cette figure extasiée ! je suis certaine qu’elle nage dans les régions éthérées, au troisième ciel, sinon plus haut ! — ma nièce, dis-je, te mettra au courant de l’histoire.
Jean, qui pendant ce colloque avait pris dans les siennes les mains de l’orpheline et les serrait bien fort, la voyant toute troublée, lui parla doucement, comme aux jours où il la réconfortait, dans ses moments de tristesse et de désespérance.
— Mademoiselle Thérèse, n’avez-vous rien à dire à votre ami ? Ne me félicitez-vous pas de mon bonheur ?
— Monsieur le comte…
— Chut ! voulez-vous bien vous taire ! Il n’y a et il n’y aura jamais pour vous que « monsieur Jean », le conseiller, le compagnon de travail…
La jeune fille, trop émue pour répondre, se dégagea et courut à Paulette. Les deux amies s’embrassèrent dans une longue étreinte, tandis