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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/81

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TANTE GERTRUDE

un fauteuil. Elle courut se jeter dans les bras de Paule et fondit en larmes.

— Sans vous, j’étais morte, dit-elle au milieu de ses pleurs.

— Et je ne m’en serais jamais consolée, mignonne, répondit tendrement la jeune femme.

— C’est bien ce que tu as fait là ! dit Mlle Gertrude, qui avait une figure tout à l’envers. Je te croyais plus poule mouillée que cela !

— Eh ! bien, ma tante, vous ne pourrez plus me gronder au sujet de mon goût pour la natation. Grand Dieu ! en avez-vous dit sur les femmes qui nageaient comme des poissons ! Mais mettons-nous à table, car mon bain m’a donné une faim de loup !

Dans la soirée, pendant qu’une grande partie de dominos était engagée entre Mlle Gertrude, Thérèse, Gontran et Madeleine, Mme Wanel, qui avait apporté un fauteuil sur la terrasse et s’y était blottie, dans une attitude pensive, un peu fatiguée, brisée surtout par les émotions de l’après-midi, tressaillit soudain en apercevant une grande ombre à ses côtés.

— Madame, murmura Jean Bernard, d’une voix basse et tremblante, comment pourrai-je jamais vous remercier assez pour ce que vous avez fait aujourd’hui.

— Je n’ai fait que mon devoir, monsieur, répondit doucement Paulette en levant timidement les yeux sur le jeune homme, incliné devant elle.

En ce moment, la lune l’éclairant en plein, elle fut frappée par la pâleur du visage contracté, par l’expression ardente des yeux sombres.

— Vous ne pouvez comprendre combien je vous ai de reconnaissance… vous ne pouvez savoir ce que… cette enfant est pour moi.

— Je sais du moins ce que vous êtes pour elle… elle me l’a dit… vous êtes sa « maman Jean »…

Le ton était si tendre, le regard posé sur lui si caressant que le jeune régisseur, troublé, devint plus pâle encore… La « belle Mme Wanel », comme on l’appelait à Ailly, avec ses manières libres, ses coquetteries, son sourire plutôt provocateur, disparut à ses yeux… il ne vit plus devant lui qu’une jeune fille timide, presque une enfant :