Page:Nichault - Anatole.djvu/163

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions ; mais tout cela serait sage, et par conséquent au-dessus de mes forces. Je ne me pique point d’avoir cette vertu qui triomphe du sort ; le mien veut que je vous aime en dépit de vous, et nous verrons qui l’emportera de votre volonté ou de ma constance.

— Quels que soient vos projets, dit Valentine, d’un ton suppliant, par pitié pour moi ménagez la sensibilité d’une personne dont vous avez égaré la raison ; songez qu’un éclat la perdrait pour toujours ; et ne me réduisez pas au chagrin de la quitter pour la délivrer d’une odieuse présence.

Cette prière rendit au comte toutes ses espérances. Il s’affermit dans l’idée que la crainte de désespérer madame de Nangis était le seul motif du refus de Valentine, et il vit en un instant tout le parti qu’il pouvait tirer du sentiment généreux qui la mettait dans sa dépendance. Empressé d’en faire l’épreuve, il répondit :

— Je m’engage à suivre en tout votre exemple. Vous pouvez mieux qu’une autre m’apprendre les ménagements qu’on doit aux victimes d’un amour qui n’est point partagé.

— Je le vois bien, reprit Valentine, en retenant des larmes de dépit, il faut que je m’éloigne de cette maison où le malheur va bientôt régner.

— Oui, partez, répliqua M. d’Émerange avec feu, laissez ici l’intrigue et la vanité se débattre entre elles, et venez loin de cet empire de la coquetterie, venez éprouver la sincérité des sentiments que vous