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Page:Nichault - Anatole.djvu/208

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de ne pouvoir jamais causer votre bonheur que j’ose y attenter ! Ah ! ce n’est point assez de ma vie pour expier un tel crime, et sans les remords qui déchirent mon cœur, vous ne seriez point assez vengée.

» Avant d’accomplir ma triste destinée, j’ai voulu m’enivrer encore une fois du plaisir de contempler tout ce que la nature a formé de plus divin ; mais grands dieux ! quels transports inconnus ont agité mon âme, lorsque j’ai vu paraître au milieu de cette assemblée brillante celle dont la beauté céleste éclipsait jusqu’à l’éclat du trône ! À son aspect enchanteur, j’ai cru voir la cour entière partager mon délire ! le souverain lui-même, séduit par la réunion de tant de charmes à tant de modestie, semblait fier de compter au nombre de ses sujets une femme si digne de régner sur tous les cœurs. Mais il faut vous avouer ma faiblesse, tout en jouissant de l’admiration qu’inspirait Valentine au plus puissant roi de l’Europe, j’ai frémi en pensant à ce que j’aurais redouté de cette admiration sous un roi, d’une vertu moins austère, et, dans ce moment, je n’ai pas regretté le siècle de Louis XIV.

» Ce triomphe si beau, ce doux instant a passé comme un songe. Un regard de Valentine, ainsi que celui d’Orphée, après avoir comblé les vœux d’une âme passionnée, l’a replongée dans le néant. Bonheur, espoir, courage, j’ai tout perdu avec votre présence. L’affreuse idée d’en être privé pour toujours est venue me frapper d’un coup mortel, et les mo-