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Page:Nichault - Anatole.djvu/76

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XIII


Avant de se séparer, M. d’Émerange dit :

— Que je suis étourdi ! j’oubliais de vous parler de la nouvelle qui occupe aujourd’hui tout Paris ! de l’arrivée de ce fameux philosophe, qui prétend deviner les défauts du cœur d’après les traits du visage !

— Quoi ! Lavater est ici, s’écria madame de Nangis ? Que je voudrais le voir ! je suis folle de son système, et je m’en sers déjà passablement bien. Cependant je n’en sais que les masses ; ses détails me paraissent trop incertains ; mais sur les nez aquilins, et les mentons crochus, je ne me tromperais guère.

— Fiez-vous à ces belles, connaissances-là, reprit le chevalier, j’ai voulu aussi me mêler de physiognomonie, et n’ai recueilli d’autre fruit de mes études que le tort de supposer à mes amis beaucoup plus de défauts que je ne leur en connaissais déjà.

— C’est que vous étiez mal instruit ; d’ailleurs c’est une science que bien des gens ne se soucient guère d’accréditer. Moi, qui ne me donne pas trop la peine de cacher mes défauts, je serais charmée de connaître aussi bien ceux des autres.

— Je croyais, dit Valentine, qu’il y avait plus à gagner à ne les pas voir ; et je suis presque tentée de plaindre ce pauvre M. Lavater, de n’avoir pas même les plaisirs de l’illusion.