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fait sonner ; je m’en empare avec joie. Madame Grainvel veut me l’arracher, ma joie se change en rage. Le monsieur dit :

» — Eh bien, qu’il la garde.

» Et l’on m’emporte avec mon trésor, le seul bien que je possède, la relique sacrée dont la misère elle-même n’a pu me séparer, la montre que je crois être celle de mon père.


III

La Première Éducation


» Le lendemain de cette double visite, j’étais de nouveau seul avec madame Grainvel et le frère bénédictin, leur demandant à chaque minute quand reviendraient le beau monsieur et la jolie dame, à quoi ils répondaient :

» — Nous n’en savons rien.

» Ils eurent bien de la peine à me faire comprendre que j’étais encore trop enfant pour avoir une si belle montre, qu’il fallait la confier à madame Grainvel jusqu’au moment où je pourrais m’en servir. J’y consentis enfin, mais à condition qu’on me la montrerait un peu chaque jour.

» Le reste de cette année n’eut d’événement remarquable pour moi que l’arrivée d’une grande caisse venant d’Allemagne, et remplie de joujoux. Le timbre de Nuremberg était sur le couvercle de la caisse. Combien ce timbre m’a fait rêver depuis !

» Dès que je sus lire et passablement écrire, il arriva au château un homme de trente ans à peu près, chargé de m’apprendre le latin, l’allemand, et enfin de remplir auprès de moi tous les devoirs d’un précepteur. Il avait l’air fort doux, presque humble, et nous fûmes bientôt amis. Il me parlait toujours à la troisième personne.

» — Si monsieur le chevalier était moins distrait, il ferait des progrès rapides ; si monsieur le chevalier prend bien sa leçon, nous irons faire ce soir une belle promenade dans le parc des moines, etc.