Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/127

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des airs méprisants ranima sa fierté. Quelques mots de madame Mailly, échappés à sa colère jalouse achevèrent de rendre le courage à sa sœur. Elle fit bonne contenance. En sortant de chez la reine, elle rencontra la comtesse de Toulouse et la princesse de Carignan, qui affectèrent de saluer avec toute la grâce possible la comtesse d’Egmont et s’inclinèrent à peine en passant auprès de madame de la Tournelle.

Également blessée des hommages affectés et des impertinences dont on l’accablait, elle revint de chez les princesses décidée à ne se rendre désormais à la cour que lorsque la reine la ferait demander.

C’est livrée à de cruelles suppositions que madame de la Tournelle attendit mademoiselle de Montcravel. Se croire obligée d’employer un semblable mystère pour venir me voir, pensa-t-elle, voudrait-on aussi me séparer de la sœur qui me reste ?

— Qu’est-ce qui vous cause tant de peine, dit-elle en voyant entrer mademoiselle de Montcravel ; parlez en toute confiance, personne ne viendra nous interrompre.

— Ah ! ma sœur, je suis bien malheureuse, et vous seule pouvez m’empêcher de mourir de chagrin.

— Quel malheur vous menace ? madame de Lesdiguières ne serait-elle plus pour vous une seconde mère ? auriez-vous à vous plaindre d’elle ?

— Non, ce n’est pas elle qui veut mon malheur. Elle est sévère, mais juste, et sait bien qu’on ne doit pas forcer l’inclination de personne ; mais elle prétend qu’elle ne peut pas s’opposer aux volontés de notre sœur aînée ; que madame de Mailly est ma tutrice, et que, lorsque celle-ci veut me faire faire un mariage avantageux, il faut que tout la seconde ? enfin, on veut me faire épouser M. de Chabot.

M. de Chabot ! un homme de cinquante ans !

— Ah ! ce n’est rien encore que son âge, mais il m’est si désagréable !… Tenez, ma sœur, j’aime mieux prendre le voile, que d’épouser cet homme, je le déteste.

— Cherchons avant s’il n’est pas d’autre moyen d’éviter ce mariage.

— Je n’en connais qu’un.

— C’est de faire parler à madame de Mailly par la reine, n’est-ce pas ?