Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/144

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dont l’âge raisonnable et l’esprit tranquille ne pouvaient lui donner aucune crainte. En effet, elle n’a jamais eu d’influence sur mon caractère, et encore moins sur les affaires d’État ; mais loin de chercher à la séduire, M. de Flavacourt sait fort bien qu’on l’a fait trouver un soir dans ma chambre au moment où je m’y attendais le moins : cela ne peut guère s’appeler une séduction. Eh bien, j’ai préféré, mais je n’ai pas séduit davantage, la pauvre femme dont j’ai pleuré la mort. Oui, je vous le jurerais sur ce tombeau même où je vous ai vue répandre des larmes. Elle avait pensé avant moi au lien qui nous a unis, et mon premier sentiment pour elle a été la reconnaissance, il est vrai que, dans l’inexpérience de mon cœur, j’appelais cela de l’amour ; mais ce cœur, qui n’avait jamais choisi, devait bientôt m’apprendre la différence qui existe entre un désir satisfait d’avance et cette passion constante qui remplit la pensée, et fait d’un mot le destin de la vie.

Un long et doux regard répondit à ces derniers mots.

— Ah ! si vous saviez, poursuivit le roi en prenant la main de madame de la Tournelle, si vous saviez que le bonheur de presser cette main l’emporte sur tous les biens, les plaisirs dont le ciel m’a fait don ! Il n’est pas un chagrin venant de vous dont je ne préfère l’amertume aux fades jouissances qui m’ont été offertes ; il n’est pas de malheurs, d’ennemis dont votre présence ne triomphe ; l’impossible c’est ce qui vous déplaît ; hors cela tout me serait facile ; je le sens, il n’est rien dont je ne sois capable pour mériter ce sourire divin, pour baiser cette main charmante.

— Et tout cela n’est-ce donc pas séduire ! s’écria madame de la Tournelle.

— Non ce n’est pas séduire, c’est adorer ; j’en prends le ciel à témoin, nulle ambition d’amour n’agite en ce moment mon âme, ce que j’éprouve, en me croyant aimé d’un ange aussi pur qu’adorable, dépasse en ravissement tous mes désirs, tous mes rêves ; non… ! plus de bonheur me tuerait.

— Ô mon Dieu ! comment ne pas l’aimer ! dit madame de la Tournelle en levant au ciel ses yeux pleins de douces larmes.

Et la confiance pénétrant dans son cœur, elle répondit par de tendres aveux aux témoignages d’un amour si pas-