Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/157

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Dans cet enchantement d’une intimité sans remords, le mois de décembre s’écoula rapidement pour madame de la Tournelle. Décidée à ne reparaître chez la reine que sur son ordre, elle fut surprise un matin par la marquise de Flavacourt, qui vint lui dire de la part de la reine qu’il y aurait jeu le lendemain, et que Sa Majesté comptait l’y voir.

Avec quelle tendresse les deux sœurs s’embrassèrent ! et que madame de la Tournelle fut heureuse d’apprendre qu’à la suite d’une visite faite à Issy chez le cardinal, M. de Flavacourt était revenu eu faisant autant l’éloge de la conduite de sa belle-sœur qu’il l’avait blâmée sur le rapport de M. de Maurepas. Le cardinal lui avait assuré que, loin d’abuser de l’ascendant que lui donnait le sentiment du roi, madame de la Tournelle faisait tout ce qui dépendait d’elle pour le combattre ; qu’il savait positivement qu’elle s’était opposée au renvoi de madame de Mailly, qu’enfin elle avait déclaré au roi que le titre de maîtresse lui faisait horreur.

Comme la conduite que tenait madame de la Tournelle s’accordait parfaitement avec cette opinion, elle avait fait grande impression sur l’esprit de M. de Flavacourt, et il avait senti la nécessité de se rapprocher de sa belle-sœur pour l’encourager à se maintenir dans la bonne voie.

Dans sa joie de se retrouver près de sa chère Henriette, madame de la Tournelle oublia son ressentiment contre M. de Flavacourt et promit de ne le point mal accueillir lorsqu’il viendrait lui parler chez la reine.

Le nouveau plan des ennemis de madame de la Tournelle était bien concerté. L’humilier de son succès, en la reléguant dans la société des roués et des femmes galantes, c’était la livrer à l’amour du roi, et l’obliger à tirer d’une situation peu honorable, tous les profits qui y sont attachés, c’était la contraindre, faute de mieux, à s’emparer du crédit et de tous les avantages inhérents à la place de favorite.

Croire à sa résistance, la flatter dans sa vertu, dans son désintéressement, c’était lui donner l’envie de rester honnête ou prude ; c’était surtout la détourner de toute action tendante à prouver qu’elle se mêlait des affaires ; enfin, c’était garder quelque temps de plus sa faveur, sa place, ou son ministère.