Passer tout à coup des rigueurs de l’exil à l’intimité du confident, c’était de quoi ravir à la fois le courtisan et l’ami. Le duc de Richelieu s’inquiéta seulement de deviner à quelle espèce d’aventure le roi l’associait ; n’étant à Versailles que depuis quelques heures, entouré de tout ce que la solennité du jour de l’an attire à la cour, il n’avait pas eu l’occasion de causer avec personne, et son entretien avec le roi, la mort de M. de Breteuil, et le choix de ses successeurs avaient rempli ce jour tout entier.
Les lettres de mademoiselle de Charolais lui mandaient que le roi, s’étant à la fin aperçu que la résistance de madame de la Tournelle était l’effet d’un calcul ambitieux, venait de rompre tous rapports romanesques avec elle, ce qui déconcertait beaucoup les projets intéressés de la dame.
La duchesse d’Estissac lui écrivait de son côté, que madame de la Tournelle jouait fort bien son jeu en refusant hautement le titre et les avantages de favorite ; que cette conduite lui conciliait la reine, le cardinal, les prudes et les dévotes et lui répondait peut-être ainsi du roi lui-même, car il devait être affamé de refus.
D’après ces rapports différents, le duc de Richelieu pensa que le roi, également ennuyé des tendresses de madame de Mailly et des froideurs de madame de la Tournelle, cherchait à les oublier toutes deux auprès de quelque objet nouveau.
Les affaires dont le roi l’avait chargé retinrent le duc de Richelieu toute la journée du lendemain à Paris ; mais il revint à Versailles pour l’heure du rendez-vous. La perruque, la redingote de cocher l’attendaient. Comme il n’était pas extraordinaire chez lui de le voir sortir déguisé, on pensa que c’était une femme de plus qu’il allait ajouter à sa liste. Il tombait une pluie horrible ; un vent froid sifflait, et le duc maudit plus d’une fois son rôle de confident en se promenant sous l’averse dans la cour de Marbre.
Enfin la chaise mystérieuse parut, on toussa, et le duc suivit en silence les porteurs.
Pendant cette course un peu longue, le confident eut bien le temps d’être mouillé. La chaise s’arrêta à un petit escalier ; le roi en sortit, fit signe au duc de le suivre, et ils montèrent tous deux, jusqu’à une porte que le roi ouvrit et referma après avoir fait entrer M. de Richelieu : ils se trouvèrent dans une antichambre, où ils n’y avait personne,