Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/188

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des portes de sa chambre ; puis, se prosternant devant une madone du Corrége, elle demande à la sainte vierge le courage de rester pure au milieu de tant de séduction ; exaltée par le péril, par les larmes, par la ferveur de sa prière, elle reste plus d’une heure à genoux, espérant fléchir le ciel qui la menace !… Mais elle entend marcher dans le petit salon qui précède sa chambre !… la clef tourne dans la serrure… la porte fermée aux verrous résiste… une affreuse palpitation saisit madame de la Tournelle… son sang reflue vers son cœur, un nuage brûlant obscurcit ses yeux… elle tombe évanouie.

Lorsqu’elle se ranima, le plus profond silence régnait dans le château ; ses craintes, ses palpitations étaient calmées ; mais une oppression douloureuse l’empêchait de respirer, et des remords, bien différents de ceux qui venaient de l’accabler, tourmentait sa conscience amoureuse.

En proie aux plus cruelles agitations à toutes ces inconséquences du cœur qui font un égal supplice de ce qu’on accorde et de ce qu’on refuse, madame de la Tournelle passa la nuit sur un canapé près du feu. Vers sept heures du matin, la fatigue de tant de sensations diverses, l’accablement qui succède aux larmes, la firent céder au sommeil.

Mademoiselle Hébert vient à l’heure ordinaire pour ouvrir les volets de la chambre de sa maîtresse. Mais elle ne peut entrer, le bruit de la porte qui résiste éveille madame de la Tournelle, elle court tirer les verroux.

— Madame la marquise ne s’est point couchée ! s’écria mademoiselle Hébert avec étonnement, aurait-elle été malade.

— Oui, j’ai un peu souffert… j’ai eu le frisson… je me suis approchée du feu… et le sommeil m’aura surprise…

Pendant que madame de la Tournelle lui répond, mademoiselle Hébert cherche à expliquer l’étrange insomnie de la maîtresse, dont le visage ne trahissait ni l’embarras, ni la honte, une mélancolie profonde s’y faisait simplement remarquer.

En cet instant, madame de Flavacourt ayant appris qu’il faisait jour chez sa sœur, envoya lui dire qu’elle allait venir prendre son chocolat avec elle la bonne et