Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/201

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— C’est un véritable amour !

— Pauvre enfant ! dit madame de la Tournelle ; voyez donc comme elle tremble.

— Il faut l’encourager, dit le roi. Prenez-la, M. de Meuse, nous lui donnerons des bonbons.

L’escamoteur prit l’enfant, la remit dans les bras de M. de Meuse, et l’Amour vint se prosterner aux pieds du roi, qui le releva en lui faisant mille caresses. Toutes les boites de bonbons se versèrent dans la tunique du petit dieu ; il se mit à les dévorer d’une manière fort terrestre, puis il retourna remplir son rôle. Son attitude était bien différente depuis que le roi l’avait embrassé, il avait l’air triomphant. Il déposa d’abord son carquois sur la table ; puis, faisant de grands gestes avec son arc sur les bords du creuset :

— Le grand œuvre est accompli, dit-il d’une voix comiquement solennelle.

— J’en suis charmé, dit le roi, car le sort de la montre héréditaire me donnait quelque inquiétude.

— Le grand œuvre est accompli ! répète le Paillasse avec emphase ; cela est bientôt dit. Mais le creuset est vide ; je n’y vois ni montre ni bague.

— Cela ne peut l’étonner, Paillasse, puisque tu les as vues fondre.

— Comment ! deux si belles choses ne se retrouveraient point ?

— Oui et non, Paillasse ; il se peut que la montre soit tombée aux pieds de madame la marquise, et que Sa Majesté ait la bague dans sa poche.

— Ah ! ceci est un peu fort, dit le roi en tirant la bague de la poche de son habit, tandis que madame de la Tournelle ramasse la montre qui se trouve sur la peau de tigre où se posaient ses pieds.

— C’est un vrai sorcier, s’écria-t-on de toutes parts.

— Et qui peut faire pendre ceux qu’il voudra, dit le roi ; car il fait des voleurs des plus honnêtes gens du monde. Pendant que chacun s’extasiait sur l’adresse de l’escamoteur, madame de la Tournelle admirait cette montre qui était suspendue au chevet du lit de Louis XIV, lorsque su dernière heure sonna.

— Cardez-la jusqu’à demain, dit le roi, pour qu’elle me soit plus chère.