Page:Nichault - La Duchesse de Chateauroux.djvu/220

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

tement, dit-elle, avouez-le sans hésiter, mademoiselle. Je vous ferai reconduire à Nesle, chez votre tante ; vous y recevrez la pension due à vos bons services ; et croyez que je n’oublierai jamais le long attachement de votre famille pour la nôtre, ni celui dont vous m’avez donné tant de preuves.

— Moi, vous quitter ! madame, s’écria en sanglotant mademoiselle Hébert, vous quitter lorsque tant de dangers, tant de malheurs vous menacent ! Ah ! Dieu m’est témoin que j’aurais donné ma vie pour vous conserver la paix… ou le bonheur (elle allait dire l’honneur), mais puisqu’il en est autrement… puisqu’on a ameuté déjà contre vous ces mêmes ennemis qui ont tué madame de Vintimille, pensez-vous que je puisse vous livrer à leurs méchants complots ? Non, madame, vous me renverriez en vain, je resterais malgré vous, surveillant tout ce qui vous approche, épiant les démarches de vos ennemis ; vous avertissant de leurs projets, veillant jour et nuit pour les déconcerter. Songez donc, madame, que, depuis votre entrée au couvent, je suis à vous ; que mon respect, mon attachement pour ma bonne maîtresse ont remplacé tous mes sentiments de famille, et que je ne saurais que faire de ma vie, si je ne pouvais plus l’employer à vous servir !

Madame de la Tournelle pleurait aussi.

— Jamais, non, jamais, nous ne [nous quitterons, dit-elle en prenant la main de mademoiselle Hébert, la compagne de mon enfance sera celle de toute ma vie ; ses bons soins, son attachement me seront si nécessaires dans les chagrins que je prévois ! Hélas ! en lui rendant sa liberté, je me résignais au seul sacrifice qui me reste à faire ; j’éloignais de moi la seule personne qui connaisse l’étendue de mon dévouement, qui sache à quel point il est pur de tout intérêt vil, et qui en prévoie ainsi la récompense. Je mourrai jeune, mademoiselle Hébert, ajouta la marquise avec un accent prophétique ; peut-être serez-vous alors l’unique amie qui me restera pour me fermer les yeux pour justifier… ma…

— Ah ! madame, écartez ces tristes pressentiments, croyez plutôt qu’à force de prudence, nous déjouerons la haine des envieux, interrompit mademoiselle Hébert avec véhémence : ces misérables auront beau faire, M. Lebel m’a