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trouvera un moyen d’aller le rejoindre avant peu… décidément il ne peut vivre sans elle.



XLVIII

LES ADIEUX


On était au 1er  de mai 1744. Louis XV devait partir de Versailles le surlendemain pour se rendre à Lille. Il faisait un de ces beaux jours de printemps qui ont tant d’influence sur la disposition de l’âme. Les bosquets de Choisy couverts de lilas, de seringats, d’aubépine, embaumaient l’air que le soleil rendait si doux. Le murmure des flots de la Seine qui baignait la terrasse se faisaient entendre sous les allées du petit bois où madame de Châteauroux aimait à se promener. Trop agitée par l’idée des événements qui se préparaient, elle n’avait pu dormir, et, pensant que le grand air dissiperait son malaise, elle était venue s’asseoir sous un treillis entouré de chèvrefeuille. Là, cachée par des arbustes en fleur, elle contemplait à travers le feuillage ce palais élégant où tous les plaisirs semblaient se réunir pour captiver le roi.

— Et c’est moi qui lui fais quitter ce séjour enchanteur, pensait-elle, pour aller s’exposer à mille dangers ; c’est moi qui le livre peut-être au malheur… à la mort !…

Alors, le souvenir de François Ier, de la bataille de Pavie, la glaçait de terreur ; elle se demandait comment elle avait jamais pu concevoir le projet de déterminer Louis XV à marcher contre l’ennemi ; comment l’idée, même du courage simple et immuable qu’elle lui connaissait, ne lui avait pas fait craindre qu’il ne s’exposât plus qu’aucun de ses officiers. L’était son insouciance du danger qu’elle redoutait par-dessus tout ; mais il n’y avait plus moyen de le détourner du sentier périlleux où elle-même l’avait engagé, et elle devait subir toutes les conséquences de son dévouement à la gloire de Louis XV.

Pendant ce temps, le roi donnait ses ordres à M. de Saint-